Note : Les descriptions sont présentées dans la langue officielle dans laquelle elles ont été soumises.
CA 03110386 2021-02-23
WO 2020/052952 1
PCT/EP2019/072722
PROCÉDÉ DE PRODUCTION DE CELLULASES PAR UN CHAMPIGNON FILAMENTEUX
DOMAINE DE L'INVENTION
L'invention est relative à un procédé de production d'enzymes par un
champignon
filamenteux, notamment des enzymes de type cellulases (cellulolytiques et/ou
hémicellulolytiques), qui sont nécessaires pour l'hydrolyse enzymatique de
biomasse
lignocellulosique.
Cette hydrolyse enzymatique est mise en oeuvre par exemple dans les procédés
de
production dits de seconde génération (2G) de biocarburants comme le
bioéthanol, ou pour
produire des jus sucrés qui peuvent être utilisés pour produire d'autres
produits par voie
chimique ou voie biochimique/fermentaire (par exemple, des alcools comme
l'éthanol, le
butanol, le propanol, l'isopropanol ou d'autres molécules, par exemple des
solvants tels que
l'acétone et d'autres molécules biosourcées), ou dans d'autres procédés des
industries
chimiques, papetières ou textiles.
ART ANTÉRIEUR
Trichoderma reesei est le microorganisme le plus utilisé pour la production de
cellulases à
l'échelle industrielle. Les souches sauvages ont la faculté d'excréter, en
présence d'un
substrat inducteur, la cellulose par exemple, un complexe enzymatique
considéré comme
bien adapté à l'hydrolyse de biomasse lignocellulosique. Les enzymes du
complexe
enzymatique contiennent trois grands types selon leur activité: les
endoglucanases, les
exoglucanases et les cellobiases. D'autres protéines possédant des propriétés
indispensables à l'hydrolyse des matériaux ligno-cellulosiques sont également
produites par
Trichoderma reesei, les xylanases par exemple.
La présence d'un substrat inducteur est indispensable à l'expression des
enzymes
cellulolytiques et/ou hémicellulolytiques. La nature du substrat carboné a une
forte influence
sur la composition du complexe enzymatique. C'est le cas du xylose, qui,
associé à un
substrat carboné inducteur comme la cellulose ou le lactose, permet
d'améliorer
significativement l'activité dite xylanase. La régulation des gènes de
cellulases sur différentes
sources de carbone a été étudiée dans le détail. Ils sont induits en présence
de cellulose, de
ses produits d'hydrolyse (exemple: cellobiose) ou de certains oligosaccharides
comme le
lactose ou le sophorose (Ilmén et al., 1997; Appl.Environ. Microbiol. 63: 1298-
1306).
Les techniques de génétique classique par mutation ont permis la sélection de
souches de
Trichoderma reesei hyperproductrices de cellulases telles que les souches
MCG77 (Gallo -
brevet US-4,275,167), MCG 80 (Allen, A.L. et Andreotti, R.E., Biotechnol-
Bioengi 1982, 12,
CA 03110386 2021-02-23
WO 2020/052952 2
PCT/EP2019/072722
451-459 1982), RUT 030 (Montenecourt, B.S. et Eveleigh, D.E., Appl. Environ.
Microbiol.
1977, 34, 777-782) et 0L847 (Durand et al, 1984, Proc. Colloque SFM "Génétique
des
microorganismes industriels". Paris. H. HESLOT Ed, pp 39-50).
Le procédé de production de cellulases par Trichoderma reesei a fait l'objet
de travaux de
développement importants pour passer à l'échelle industrielle. Pour obtenir de
bonnes
productivités en enzymes, il est nécessaire d'apporter une source de carbone
rapidement
assimilable pour la croissance de Trichoderma reesei, et un substrat inducteur
qui permette
l'expression des cellulases et la sécrétion dans le milieu de culture. La
cellulose peut jouer
ces deux rôles. Cependant, elle est difficile d'utilisation à l'échelle
industrielle, car elle
augmente la viscosité du milieu et peut gêner le transfert d'oxygène
indispensable à la
croissance du microorganisme, qui est aérobie strict. Elle peut être remplacée
par des
sources de carbone solubles, telles que le glucose, le xylose ou le lactose,
le lactose jouant
également le rôle de substrat inducteur. D'autres sucres solubles comme le
cellobiose et le
sophorose ont été décrits comme inducteurs, mais ils peuvent être considérés
trop onéreux
pour être utilisés à l'échelle industrielle.
On a constaté que les productions de cellulases par Trichoderma reesei avec
des substrats
solubles sont très inférieures à celles obtenues sur cellulose en "batch".
Ceci est dû à l'effet
répresseur des sucres facilement assimilables à forte concentration.
L'alimentation en
continu en mode fed-batch des substrats carbonés solubles a permis de lever la
répression
catabolique en limitant la concentration résiduelle dans les cultures et en
optimisant la
quantité de sucre, permettant d'obtenir un meilleur rendement et une meilleure
productivité
enzymatique, comme décrit dans le brevet FR-B-2 555 603. Ce protocole permet
d'aboutir à
une concentration en protéines de l'ordre de 35 à 40 g/L avec une productivité
de l'ordre de
0.2 g/L/h.
Pour obtenir ces performances, les procédés industriels de production de
cellulases, tels que
décrits dans le brevet ci-dessus mentionné, se font donc en deux étapes dans
le même
réacteur :
-
Une étape de croissance en mode "batch", où il est nécessaire d'apporter une
source
de carbone rapidement assimilable pour la croissance de Trichoderma reesei.
Cette
phase se caractérise par une augmentation de la viscosité du milieu, ainsi que
par
une forte demande en oxygène.
- Une étape de production en mode "fed-batch" utilisant un substrat inducteur
(par
exemple le lactose) qui permet l'expression des cellulases et la sécrétion
dans le
CA 03110386 2021-02-23
WO 2020/052952 3
PCT/EP2019/072722
milieu de culture. Le flux optimal appliqué est compris entre 35 et 45 mg (de
sucre).g
(de poids sec cellulaire)-1.11-1. Cette phase se caractérise par une baisse de
la
viscosité du milieu et une demande en oxygène plus faible.
La productivité en protéines est égale au produit entre la concentration en
biomasse vivante
et la vitesse spécifique de production de protéines. Cette productivité peut
être augmentée
en augmentant les performances de production de la souche (augmentation de la
vitesse
spécifique) et/ou en augmentant la concentration en biomasse cellulaire. Mais
les méthodes
pour améliorer les performances des souches, en les modifiant génétiquement
comme
évoqué plus haut, peuvent finir par atteindre leurs limites, et augmenter la
concentration en
biomasse aboutit à une forte augmentation de la viscosité, ce qui limite le
transfert
d'oxygène, notamment en fin d'étape de croissance.
Les étapes de production proposés dans l'art antérieur se font en cuves
agitées, les étapes
de croissance et de production se faisant dans le même bioréacteur. C'est une
solution
intéressante car compacte en termes d'installation industrielle, mais pas la
solution
forcément la meilleure, car les deux étapes, croissance et production, ne
requièrent pas les
mêmes besoins, par exemple en termes de moyens d'agitation ou en termes de
transfert
d'oxygène : le bioréacteur doit donc présenter le volume et tous les moyens
d'équipement et
de fonctionnement lui permettant d'assurer l'ensemble de ces deux étapes, se
déroulant
pourtant dans des conditions bien différentes.
Le but de l'invention est alors de proposer un procédé amélioré de production
d'enzymes de
type cellulases à partir de souches de champignon filamenteux, notamment un
procédé qui
permette d'obtenir des productivités en enzymes augmentées, et,
accessoirement, qui
puisse être mis en oeuvre à l'échelle industrielle dans des installations
permettant plus de
flexibilité.
RÉSUMÉ DE L'INVENTION
La présente invention concerne un procédé de production d'enzymes par une
souche
appartenant à un champignon filamenteux, ledit procédé comprenant trois étapes
:
(a) une première étape de croissance des champignons, en présence d'au moins
un
substrat carboné de croissance, dans un bioréacteur agité et aéré en phase
batch,
(b) une deuxième étape de dilution (volumique) du milieu de culture obtenu à
la première
étape (a),
(c) une troisième étape de production d'enzymes à partir du milieu de culture
dilué obtenu
à la deuxième étape (b), en présence d'au moins un substrat carboné inducteur,
en phase
fed-batch.
CA 03110386 2021-02-23
WO 2020/052952 4
PCT/EP2019/072722
L'invention inclut un tel procédé, où l'étape (b) peut commencer (un peu)
avant la fin de
l'étape (a) ou se terminer (un peu) après le début de l'étape (c). L'invention
inclut donc un tel
procédé, avec une mise en oeuvre dans laquelle les étapes (a) et (b) d'une
part, et les
étapes (b) et (c) d'autre part peuvent partiellement se recouvrir. En effet,
comme détaillé plus
loin, l'étape de dilution (b) peut durer plusieurs heures, et il peut donc
s'avérer intéressant de
la démarrer entre 0 et 4 heures avant la fin de l'étape (a), et/ou de la finir
entre 0 et 4 heures
après le passage en étape (c).
L'invention a ainsi mis au point une nouvelle conduite de fermentation, avec
une étape de
dilution intermédiaire entre l'étape de croissance et l'étape de production.
De manière tout-à-
fait surprenante, il s'est avéré que les productivités spécifiques obtenues
après avoir dilué le
milieu de culture à la fin de la phase de croissance sont significativement
plus élevées que
celles obtenues avec le milieu de culture sans dilution (l'augmentation
pouvant aller jusqu'à
30% et plus), et cela pour un même flux spécifique de substrat carboné
(calculé par rapport
à la masse de biomasse dans les réacteurs).
De préférence, la troisième étape de production (c) est réalisée dans une
colonne à bulles :
Dans ce mode de réalisation préféré, l'invention exploite également
judicieusement l'idée
que les étapes de croissance et de production n'ont pas les mêmes besoins,
n'ont pas le
même mode opératoire, notamment en termes d'agitation et de transfert
d'oxygène, et qu'il
est donc plus pertinent de réaliser ces étapes dans deux fermenteurs
différents : La
production de biomasse peut s'opérer dans de bonnes conditions en cuve agitée,
en visant
de préférence une concentration de biomasse élevée (par exemple supérieure ou
égale à 20
g/L). La production s'opère en colonne à bulles, qui est en effet un réacteur
particulièrement
approprié pour opérer la production, car c'est un réacteur adaptés aux milieux
dilués, peu
visqueux, qui présente par ailleurs de nombreux avantages, comme une grande
facilité de
nettoyage, une efficacité énergétique supérieure aux bioréacteurs agités, la
possibilité d'offrir
de grands volumes réactionnels (Dans le présent texte, bioréacteur agité a
la même
signification que cuve agitée ).
Avantageusement, on réalise la deuxième étape (b) de dilution dans le
bioréacteur à la fin de
l'étape (a) de croissance des champignons et/ou dans la colonne à bulles avant
ou au début
de la troisième étape (c) de production d'enzymes.
L'étape de dilution, qui conduit donc à baisser la viscosité du milieu de
culture, peut ainsi,
être réalisée dans l'un ou l'autre des réacteurs, ou même en ligne pendant le
transvasement
CA 03110386 2021-02-23
WO 2020/052952 5
PCT/EP2019/072722
du premier réacteur vers le deuxième réacteur. On peut préférer opérer la
dilution dans la
cuve agitée, de façon à faciliter le transfert du milieu, déjà dilué, depuis
la cuve agitée
jusqu'à la colonne à bulles.
Avantageusement, le facteur de dilution du milieu de culture à l'étape (b) de
dilution est d'au
.. moins 1,1 ou 1,2, notamment d'au moins 1,5, de préférence d'environ 2, et
notamment d'au
plus 6. La dilution est à ajuster pour que le milieu de culture ait une
concentration en
biomasse permettant de limiter la viscosité du milieu, c'est-à-dire comprise
entre 5 et 20 g/L.
Dans la présente invention, le terme biomasse correspond aux champignons.
Le facteur de dilution se comprend comme un facteur de dilution volumique, et
correspond
au ratio entre le volume après dilution et avant dilution. De préférence, le
milieu de culture
étant un milieu aqueux, le liquide de dilution est de l'eau ou un milieu
aqueux , comme un
milieu de culture également.
Selon un mode de réalisation préféré, on prévoit des moyens de connexion
fluidique entre le
bioréacteur et la colonne à bulles pour assurer le transfert du milieu de
culture obtenu à
l'étape de croissance dans le bioréacteur vers la colonne à bulles, moyens
notamment sous
forme de conduites équipées de vannes manuelles ou pilotées et notamment de
pompe(s).
Dans ce cas de figure, on peut réaliser la deuxième étape (b) de dilution, en
tout ou partie,
dans les moyens de connexion fluidique lors du transfert du milieu de culture
par ces moyens
de connexion fluidique depuis le bioréacteur à la colonne à bulles.
De préférence, la concentration en substrat carboné de croissance dans le
bioréacteur est
supérieure à 20 g/L, elle est notamment comprise entre 30 et 100 g/L, et de
préférence entre
50 et 80 g/L.
De préférence, le substrat carboné inducteur alimente la colonne à bulles à
une vitesse
spécifique comprise entre 30 et 140 mg par gramme de biomasse cellulaire et
par heure, de
préférence entre 35 et 45 mg par gramme de biomasse cellulaire et par heure.
Avantageusement, on poursuit l'étape de croissance de la biomasse jusqu'à une
concentration en biomasse (champignons) d'au moins 20 g/L. On obtient ainsi un
milieu de
culture concentré, qui sera ensuite dilué pour procéder à la production.
Selon un mode de réalisation, on peut mettre en oeuvre le procédé de
l'invention avec un
nombre n de bioréacteurs agités et aérés et un nombre m de colonnes à bulles,
avec n
inférieur ou égal à m, une colonne à bulles pouvant être connectée
fluidiquement à plusieurs
CA 03110386 2021-02-23
WO 2020/052952 6
PCT/EP2019/072722
bioréacteurs ou inversement. Il est en possible d'avoir des colonnes à bulles
de capacité bien
plus grande que des bioréacteurs agités, ce qui permet à plusieurs
bioréacteurs agités
d'alimenter une seule colonne à bulles par exemple, et de tenir compte du fait
que l'étape de
croissance est plus rapide que l'étape de production.
De préférence, le substrat carboné de croissance est choisi parmi au moins un
des
composés suivants : le lactose, le glucose, le xylose, les résidus obtenus
après fermentation
éthanolique des sucres monomères des hydrolysats enzymatiques de biomasse
cellulosique,
un extrait brut de pentoses hydrosolubles provenant du prétraitement d'une
biomasse
cellulosique.
De préférence, le substrat carboné inducteur est choisi parmi au moins un des
composés
suivants : le lactose, le cellobiose, le sophorose, les résidus obtenus après
fermentation
éthanolique des sucres monomères des hydrolysats enzymatiques de biomasse
cellulosique,
un extrait brut de pentoses hydrosolubles provenant du prétraitement d'une
biomasse
cellulosique.
Les substrats de croissance et inducteurs cités ci-dessus peuvent être
utilisés seuls ou en
mélange.
Selon sa nature, le substrat carboné de croissance choisi pour l'obtention de
la biomasse est
introduit dans le bioréacteur avant stérilisation, ou est stérilisé séparément
et introduit dans
le bioréacteur après stérilisation.
Le substrat carboné inducteur introduit pendant l'étape de production en fed-
batch est de
préférence stérilisé de façon indépendante, avant d'être introduite dans la
colonne à bulles.
Si le substrat carboné inducteur est la biomasse prétraitée ou des hydrolysats
hémicellulosiques, il est possible de l'utiliser sans le stériliser.
De façon préférée, quand la source de carbone inductrice est le lactose, la
solution aqueuse
est préparée à la concentration de 200-250 gr . Si le substrat carboné
inducteur est la
biomasse prétraitée, on vise de préférence un apport moyen de sucre compris
entre 35 et
140 mg par gramme de cellule et par heure.
De préférence, les souches utilisées appartiennent à l'espèce Trichoderma
reesei,
éventuellement modifiées pour améliorer les enzymes cellulolytiques et/ou
CA 03110386 2021-02-23
WO 2020/052952 7
PCT/EP2019/072722
hémicellulolytiques par les procédés de mutation-sélection; les souches
améliorées par les
techniques de recombinaison génétique peuvent être également utilisées. Ces
souches sont
cultivées dans des conditions compatibles avec leur croissance et la
production des
enzymes. D'autres souches de microorganismes produisant des enzymes selon des
processus similaires à ceux utilisés pour Trichoderma peuvent être utilisées.*
De préférence, les enzymes sont des enzymes cellulolytiques ou
hémicellulolytiques.
De préférence, la souche de champignon filamenteux utilisée est donc une
souche de
Trichoderma reesei ou de Trichoderma reesei modifiée par mutation, sélection
ou
recombinaison génétique. De façon très préférée, la souche est une souche
0L847, RutC30,
MCG77, ou MCG80.
L'invention a également pour objet une Installation de production d'enzymes
par une souche
appartenant à un champignon filamenteux, telle que ladite installation
comprend : - un
bioréacteur agité et aéré fonctionnant en phase batch pour opérer une étape de
croissance
des champignons, en présence d'au moins un substrat carboné de croissance ; -
une colonne
à bulles fonctionnant en phase fed-batch pour opérer une étape de production
d'enzymes à
partir du milieu de culture provenant du bioréacteur; - des moyens de
connexion fluidique
reliant le bioréacteur à la colonne à bulles pour opérer le transfert du
milieu de culture du
bioréacteur vers la colonne à bulles ; - des moyens d'injection de liquide de
dilution dans le
bioréacteur et/ou dans la colonne à bulles et/ou dans les moyens de connexion
de fluidique.
De préférence, le bioréacteur et/ou la colonne à bulles contiennent un milieu
de culture avec
une souche appartenant à un champignon filamenteux.
Cette installation peut avantageusement mettre en oeuvre le procédé
précédemment décrit,
avec les mêmes avantages qui en découlent : meilleure productivité spécifique
qu'une
fermentation sans dilution intermédiaire, en une seule cuve agitée,
opérabilité et maintenance
de l'installation plus aisées, adaptation à des productions de quantités
variables...
Avantageusement, la colonne à bulles a un volume intérieur au moins deux fois
supérieur au
volume intérieur du bioréacteur agité, ce qui permet à la colonne à bulles
d'absorber le
volume accru du milieu de culture dilué et/ou d'être alimentée par plusieurs
bioréacteurs
agités.
L'installation décrite plus haut peut ainsi comprendre n bioréacteurs agités
et aérés et m
colonnes à bulles, avec n inférieur ou égal à m (et avec n supérieur ou égal à
1).
CA 03110386 2021-02-23
WO 2020/052952 8
PCT/EP2019/072722
DESCRIPTION DES FIGURES
La Figure 1 est une représentation très schématique de l'installation mettant
en oeuvre le
procédé de l'invention.
Les Figures 2a, 2b et 2c sont des graphes montrant l'évolution de la
concentration de la
masse des protéines produites et de la masse de la biomasse cellulaire selon
trois exemples
différents.
DESCRIPTION DÉTAILLÉE DE L'INVENTION
Dans un mode de réalisation préféré, la présente invention porte sur un
procédé de
production de cellulases par une souche appartenant à l'espèce Trichoderma
reesei, en
bioréacteur agité et aéré comprenant trois étapes :
- la première étape de croissance en présence d'au moins un substrat carboné
de
croissance en phase batch avec une concentration en substrat carboné de
croissance
comprise entre 30 et 100 g/L, de préférence de 50 à 80 g/L. Cette étape se
fait dans une
cuve agitée
- une deuxième étape de dilution du moût de fermentation d'un facteur
supérieur à 1,1 et de
préférence de 2. Cette étape de dilution peut être réalisée dans la cuve de
croissance. Une
autre solution consiste à réaliser une dilution en ligne durant le
transvasement de la cuve
agitée vers la colonne à bulles.
- une troisième étape de production en colonne à bulles, en présence d'au
moins un substrat
carboné inducteur en phase fed-batch, ce substrat étant alimenté à une vitesse
spécifique
comprise entre 35 et 140 mg par gramme de cellules et par heure, et de
préférence entre 35
et 45 mg par gramme de cellules et par heure.
L'étape de production est réalisée en condition de limitation du substrat
carboné inducteur
avec un flux inférieur à la capacité maximale de consommation de la souche.
Différents substrats carbonés de croissance et inducteurs ont déjà été listés
plus haut. De
façon préférée, quand la source de carbone inductrice est le lactose, la
solution aqueuse est
préparée à la concentration de 200-250 gr. Quand le substrat carboné inducteur
est de la
biomasse prétraitée, on vise un apport moyen de sucre compris entre 35 et 140
mg par
gramme de cellule et par heure.
Le procédé selon la présente invention permet d'obtenir une productivité
supérieure en
cellulases en utilisant mieux des bioréacteurs agités : dédiés à la croissance
de biomasse, ils
CA 03110386 2021-02-23
WO 2020/052952 9
PCT/EP2019/072722
peuvent être agencés, adaptés au mieux à cette étape seulement. La biomasse
est ensuite
transvasée dans des colonnes à bulles, qui sont des fermenteurs de grands
volumes et qui,
eux, seront dédiés à la production d'enzymes. Le procédé dans son ensemble est
plus
économe en utilités (consommation énergétique...) et plus flexible.
Le mode de conduite a été ainsi adapté par rapport aux procédés
conventionnels, d'une part
en diluant la concentration en champignons en fin de croissance, et d'autre
part en réalisant
la production en colonne à bulles.
Un exemple de réalisation du procédé selon l'invention se comprend de la
figure 1,
représentant un exemple d'une installation le mettant en oeuvre.
Les références ont la signification suivante :
1 : cuve agitée
2 : alimentation de la cuve agitée
3 : moteur
4 : dispositif d'agitation
5 : dispositif de bullage
6 : alimentation en air
7 : colonne à bulles
8 : alimentation en substrat
9 : alimentation de la colonne à bulles
10 : point de vidange
11 : dispositif de bullage
12 : alimentation en air
13 : ligne de transvasement
14 : point d'injection
15 : pompe
L'installation comporte ainsi, tout d'abord, une cuve agitée 1, dans laquelle
on va réaliser
l'étape de croissance. Cette cuve 1 présente a un volume compris entre 20 et
500 m3,
préférentiellement entre 40 et 400 m3.
La cuve agitée 1 comporte entre un et cinq mobiles d'agitation 4, avec une
puissance
d'agitation comprise entre 0,1 et 7 kW/m3, avec préférentiellement une
puissance maximale
comprise entre 1 et 4 kW/m3 par le moteur 3. La cuve 1 présente un rapport
hauteur/diamètre compris entre 1 et 5, préférentiellement compris entre 1,5 et
3. La cuve 1
CA 03110386 2021-02-23
WO 2020/052952 10
PCT/EP2019/072722
est également munie d'un dispositif de bullage 5 en partie inférieure,
connectée
fluidiquement à une arrivée externe 6 d'air, et d'une (ou plusieurs)
arrivée(s) 2 en source
carbonée de croissance et en champignons.
La cuve 1 fonctionne entre 1 et 5 bars abs. Elle est sont alimentée en air
(5,6) à un débit
compris entre 0,1 et 2 Volume d'air (en conditions normales) par volume de
liquide et par
heure, préférentiellement entre 0,2 et 1 Volume d'air par volume de liquide et
par heure.
L'installation comporte aussi une colonne à bulles 7, pour réaliser l'étape de
production. Pour
rappel, une colonne à bulles est une enceinte réactionnelle composée d'une
colonne
cylindrique, de rapport hauteur sur diamètre classiquement compris entre 1 et
10,
préférentiellement entre 2,5 et 6. La colonne est équipée d'un dispositif
d'injection d'air,
éventuellement enrichi en oxygène. Ce dispositif d'injection est positionné en
bas de colonne
pour que l'air injecté alimente l'ensemble du volume en bulles et donc en
oxygène. Le
dispositif d'injection peut être un plateau perforé, un système de tubes
perforés ou tout autre
système connu de l'homme du métier. L'ouvrage Bubble Column Reactors de
W.D.Deckwer (J.Wiley & Sons, 1992) fournit un ensemble de description de
colonnes à
bulles, qui peuvent se décliner sous de multiples variantes selon qu'elles
sont vides ou
équipées d'internes type plateaux perforés, conduite de recirculation ou
autre.
La représentation simplifiée de la colonne à bulles 7 selon la figure 1
représente
l'alimentation 8 de la colonne à bulles en substrat carboné inducteur, un
dispositif de bullage
11 en partie inférieure en connexion fluidique avec une arrivée d'air externe
12.
La colonne à bulles à un volume compris entre 40 et 1000 m3, elle définit
généralement un
volume intérieur au moins 2 fois plus grand que celui de la cuve agitée 1,
pour permettre la
dilution du milieu de culture issu de la croissance en cuve 1. La colonne à
bulles 7 a un
rapport hauteur/diamètre compris entre 2 et 10, préférentiellement entre 2,5
et 7.
Comme évoqué plus haut, la colonne à bulles peut être vide, ou équipée d'un
cylindre
interne pour favoriser la recirculation du liquide. L'homme du métier parle
alors de réacteur
airlift , qui est une variante bien connue de la colonne à bulle simple et
qui peut tout aussi
bien être utilisée dans le cadre de la présente invention.
CA 03110386 2021-02-23
WO 2020/052952 11
PCT/EP2019/072722
Comme la cuve 1, la colonne à bulles 7 fonctionne entre 1 et 5 bars abs. Elle
est alimentée
en air 11,12 à un débit compris entre 0,1 et 2 Volume d'air (en conditions
normales) par
volume de liquide et par heure, préférentiellement entre 0,2 et 1 Volume d'air
par volume de
liquide et par heure.
Le transvasement du milieu de culture depuis la cuve agitée 1 vers la colonne
à billes 7
s'effectue par une connexion fluidique 13 entre les deux réacteurs réalisée
par une ou des
conduites reliant les deux réacteurs. Ici, ces conduites sont disposées en
parties basses des
deux réacteurs, tous deux essentiellement orientés selon un axe vertical. Ces
conduites sont
munies d'une pompe 15, et de vannes manuelles ou pilotées permettant de
commander le
transfert du milieu de la cuve 1 à la colonne à bulles 7.
L'étape de dilution du milieu de culture entre l'étape de croissance dans la
cuve 1 et l'étape
de production dans la colonne à bulles peut être réalisée de trois façons
différentes : - soit
dans la cuve 1, en fin de croissance, par apport de liquide aqueux au point
d'injection 2,
avant transfert vers la colonne 7 - soit au niveau de la connexion fluidique,
par apport de
liquide aqueux dans le milieu de culture en cours de transferts (point
d'injection 14), - soit en
entrée de la colonne 7 par apport de liquide aqueux au niveau de la colonne 7
au point
d'injection 9. On peut aussi choisir de mixer ces trois modes de dilution,
c'est-à-dire d'ajouter
une partie de l'eau nécessaire dans la cuve et une autre lors du transfert
et/ou dans la
colonne à bulles par exemple. Le tout est d'atteindre le niveau de dilution
requis, par
exemple d'environ 2, dépendant des volumes respectifs des deux réacteurs, de
la viscosité
du milieu de culture en fin d'étape de croissance etc...
L'étape de dilution préalable selon l'invention permet donc, notamment,
d'ajuster la
concentration en biomasse finale à une concentration cible comprise entre 5 et
20 g/L.
Etant donné les temps différents de croissance et de production (un facteur 3
à 8 peut
exister entre les temps des deux étapes, la croissance étant toujours l'étape
la plus courte),
le procédé industriel de production d'enzymes selon l'invention peut utiliser
un nombre de
cuves agitées plus faible que le nombre de colonnes à bulles, ce qui permet de
maximiser
l'utilisation des deux types de fermenteurs.
Par exemple, si l'étape (a) dure 50 heures et l'étape (c) dure 200 heures, le
contenu de la
cuve agitée peut être transvasé après dilution (b) dans une première colonne à
bulles, puis
la cuve peut être réutilisée pour réaliser une nouvelle fois l'étape (a). Son
nouveau contenu
CA 03110386 2021-02-23
WO 2020/052952 12
PCT/EP2019/072722
sera alors dilué et transvasé dans une autre colonne à bulles. Le nombre de
colonnes à
bulles et de réacteurs agité est à ajuster en fonction de la durée de chaque
étape.
EXEMPLES
L'exemple 1 est un exemple de comparaison de deux productions réalisées à des
concentrations de respectivement 12,5 g/L et 25 g/L de biomasse stabilisée
lors de l'étape
fed-batch de production. L'exemple 2 selon l'invention démontre la faisabilité
et les
performances de production obtenues avec une conduite réalisée en cuve agitée
lors de
l'étape de croissance et en colonne à bulle lors de l'étape de production
d'enzymes.
L'exemple 3 comparatif démontre la difficulté à réaliser l'étape de croissance
en colonne à
bulles sans respecter les conditions de l'invention.
Exemple 1(comparaison - préliminaire à l'invention)
La production de cellulases est effectuée en fermenteur agité mécaniquement
(non
représenté à la figure 1). Le milieu minéral a la composition suivante : KOH
1,66 g./L,
H3PO4 85 % 2 mUL, (NH4)2SO4 2,8 g/L, MgSO4, 7 H20 0,6 g/L, CaCl2 0,6 g/L,
MnSO4 3,2
mg/L, ZnSO4, 7 H20 2,8 mg/L, 00012 10 4,0 mg/L, FeSO4, 7 H20 10 mg/L, Corn
Steep 1,2
g/L, anti-mousse 0,5 mUL.
Le fermenteur contenant le milieu minéral est stérilisé à 120 C pendant 20
minutes, la
source carbonée glucose est stérilisée à part à 120 C pendant 20 minutes puis
ajoutée
stérilement dans la cuve 1 de façon à avoir une concentration finale de 25
g/L. Le fermenteur
est ensemencé à 10% (v/v) avec une préculture liquide de la souche de
Trichoderma reesei
0L847. Le milieu minéral de la préculture est identique à celui du fermenteur,
mis à part
l'addition de phtalate de potassium à 5 gri pour tamponner le pH du milieu. La
croissance
du champignon en préculture est faite en utilisant le glucose comme substrat
carboné, à la
concentration de 30 gr. La croissance de l'inoculum dure de 2 à 3 jours, et
est effectuée à
28 C dans un incubateur agité. Le transfert vers le fermenteur est réalisé
quand la
concentration résiduelle en glucose est inférieure à 15 g/L.
L'étape de croissance est effectuée pendant 50 heures dans le bioréacteur
agité 1 avec une
concentration initiale de 50 g/L de glucose à une température de 27 C et un
pH de 4,8
(régulé par de l'ammoniaque 5,5 M). L'aération est de 0,5 vvm
(volume/volume/minute), et la
pression partielle en oxygène dissous dans le milieu est de 40 % de P 02sat.
Les 50 g/L de
glucose permettent d'aboutir, après épuisement du substrat, à une
concentration en
biomasse d'environ 25 g/L. Une partie du milieu est soutirée et diluée d'un
facteur deux dans
CA 03110386 2021-02-23
WO 2020/052952 13
PCT/EP2019/072722
un autre bioréacteur stérile identique au précédent, de façon à avoir, en
début de phase fed-
batch de production, un bioréacteur à 25 g/L de biomasse et un autre à 12,5
g/L de
biomasse.
Une solution de lactose à 250 g/L est injectée en continu à un débit de 35 à
45 mg par g de
cellules et par heure jusqu'à 164 heures dans les deux réacteurs (environ 2
mUh pour
l'expérience à 12,5 g/L de biomasse et 4 mL/h pour l'expérience à 25 g/L de
biomasse). La
température est baissée à 25 C, et le pH est maintenu à 4 jusqu'à la fin de
la culture. Le pH
est régulé par addition d'une solution d'ammoniaque à 5,5 N qui apporte
l'azote nécessaire à
la synthèse des protéines excrétées. La teneur en oxygène dissous est
maintenue à 40 % de
P 02sat.
La production d'enzymes est suivie par le dosage des protéines
extracellulaires par la
méthode de Lowry et standard BSA, après séparation du mycélium par filtration
ou
centrifugation.
La figure 2a présente l'évolution de la masse en biomasse cellulaire et en
protéines pour
l'expérience à 25 g/L de biomasse et la figure 2b, les mêmes courbes mais à
une biomasse
stabilisée à 12.5 g/L. On voit, de la comparaison des deux graphes, que 47 g
de protéines
sont obtenues avec l'expérience à 25 g/L de biomasse, et seulement 36 g de
protéines avec
l'expérience à 12,5 g/L de biomasse. Par contre, la vitesse spécifique de
production de
protéines notée qp est nettement supérieure avec l'expérience à 12,5 g/L de
biomasse
(environ 65 % supérieure). En effet, elle est de 12 2 mg/g/h à 25 g/L de
biomasse et de 20
1 mg/g/h avec l'expérience à 12,5 g/L de biomasse.
Cette comparaison permet de démontrer que, de façon surprenante, on obtient
une vitesse
spécifique au moins 50% supérieure avec une concentration en biomasse de
12,5g/L par
rapport à une concentration de 25 g/L. Cela démontre l'intérêt de faire une
dilution avant
l'étape de production et cela a déterminé le mode de production présenté dans
l'exemple 2
suivant selon l'invention.
Exemple 2 (selon l'invention):
L'expérience est réalisée dans les même conditions que l'exemple 1, sauf
qu'après l'étape
de dilution (pour passer d'une concentration de de 25 à 12,5 g/L de biomasse
cellulaire)
dans la cuve agitée 1, l'étape de production est réalisée dans la colonne à
bulles 7 après
transvasement d'un réacteur à l'autre par le système de conduites 13,
l'agitation se faisant
CA 03110386 2021-02-23
WO 2020/052952 14
PCT/EP2019/072722
donc en production uniquement par injection de l'air à une vvm de 1 dans la
colonne à
bulles.
Les évolutions des masses de la biomasse cellulaires et de la masse des
protéines sont
représentées en figure 2c: On voit de ce graphe que la masse finale de
protéines obtenue
est de 42 g (après 168 h de production en fed-batch). La vitesse spécifique de
production de
protéines calculée est de 22 1 mg/g/h.
Exemple 3 (comparatif) :
L'exemple 3 est réalisé dans les mêmes conditions que l'exemple 1, mais en
simulant une
étape de croissance en colonne à bulles, comme en production : Dans cet
exemple, la
croissance est réalisée dans une cuve agitée mais sans agitation, pour mimer
le
fonctionnement en colonne à bulles.
Celle-ci a abouti à un échec de la culture. La concentration en biomasse n'a
pas pu être
mesurée et a formé une grosse boule autour de l'arbre d'agitation, qui n'avait
pas été activé.
En conclusion, l'invention intègre une étape intermédiaire de dilution aux
effets très
intéressants et inattendus sur les performances du procédé. Il s'est avéré en
outre très
intéressant d'utiliser deux types de réacteurs différents pour opérer les
étapes de croissance
et de production, pour que ces étapes se déroulent dans des conditions
optimales
industriellement : l'invention permet un passage de production de protéines à
l'échelle
industrielle qui est robuste, performant, qui reste simple et qui est très
souple dans sa mise
en oeuvre.